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PuyPsy_2000-20/1-2&3

Par Toll Antheaum, le 11 février 2020.

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vers 1-1          PuyPsy_2000-20/1-2&3               

 

Le tournant de la psychiatrie durant mon périple

 

   L'ouverture du cabinet se fit sans accroc. En posant le papier-peint on regardait à la télé les Tours Jumelles qui s'effondraient. Quelques mois plus tôt j'y avais présenté mes recherches et travaux. Ensuite j'étais rentré en France. C'était le retour d'un périple débuté dix ans plus tôt par obligation. La cause en avait été une option de dissidence que j'avais prise et théorisée entre Paris et Lyon. Cette théorie estimait que la fonction paternelle était devenue, ou deviendrait un acte dissident. Cette paternité avait une signification plus sociale que celle que le féminisme trouve au patriarcat. Il était même possible qu'elle fut " La " dissidence caractéristique. Elle n'apparaissait d'ailleurs plus, dans un monde où tout allait de mieux en mieux. J'en reparlerai peut-être. En attendant, mes voyages s'en étaient éloignés. lls traitèrent surtout, avec des universitaires et quelques aventuriers, de psychologie collective, de génétique, des corps sociaux, et de l'histoire du monothéisme ou bien de celle de Moïse. Puis je remarquais au retour que durant ces dix années d'absence, de 1990 à 2000 la France avait totalement changé le visage et les coutumes de sa psychiatrie. Ceci mérite que je m'y arrête un instant :

   Lorsque j'avais débuté mes études de médecine en 1968, mon but était psychanalyse et psychiatrie. Cette dernière était envahie de la pensée dite "freudienne" qui prenait en France la tonalité dite "lacanienne". Je ne dirai pas « tous », mais une grande partie, au moins une notable partie, des psychiatres en formation étaient en même temps, assidus au 'divan' de l'Inconscient. Il était courant de penser qu'être psychiatre sans avoir l'expérience d'une psychanalyse, était dangereux, pour soi-même et pour sa patientèle – du moins, que c'était un risque ajouté. La psychanalyse qui avait déjà plus de cinquante ans d'âge, commençait à gagner cette rive que Freud n'avait vu que comme un horizon, qu'il appelait « psychologie collective ». Après les événements de 1968, il paraissait que nous avions touché ce bord. Cela se manifesta par ce qu'on appelait psychanalyse ou psychiatrie « institutionnelles ». Ces jumelles élargissaient les analyses précédentes, immatures, nombrilistes, singulières et individualistes qui avaient poussé Freud à demander un moratoire. Et voilà que les " événements " permettaient de l'espérer. Avec l'anti-psychiatrie et la psychiatrie institutionnelle , l'analyse individuelle commençait à se confondre avec une analyse sociale, l'analyse de l'humain avec l'analyse de l'humanité.

   La civilisation avait très probablement atteint une rive. Le monde avait fait le plein d'assez de bombes atomiques pour finir par paraître idiot et on commençait à parler d'écologies environnementale, sociale et mentale. Cependant cette élévation de la conscience allait s'interrompre rapidement, sans avertissement ni autre forme de procès. Les réflexions à la mode allaient passer. La psychanalyse ne devenait plus une nécessité ; pire, elle qui avait toujours été contestée par au moins autant d'adversaires qu'elle avait d'adhérents, devenait soudain pour un large majorité une méprisable fausse-route. Le virage se fit sans bruit, comme une voix qui s'éteint. À mon départ en1990 je n'en vis pas le début ; revenant en 2000 je trouvais l'autre direction complètement prise. Aujourd'hui avec du recul, en 2020, je peux comprendre que la raison de mes voyages – qualifiable d'exil pour parler clairement – s'inscrivait précisément dans l'imperceptible bascule commençant à s'opérer. Ce n'était pas flagrant mais la psychiatrie institutionnelle qui avait vu le jour, des années 68 à 1990, et déclarée "anti-psychiatrie, schizo-analyse, etc.." approchait du bord de l'épuisement. À la manière solitaire dont j'avais commencé d'en parler, je participais de ce mouvement à ma manière indépendante, originale et sans l'approbation ni des classiques ni des avant-gardistes. J'avais donné le nom de psychanalyse plurielle à mon point de vue sur ce que mes collègues faisaient. La seule différence fut que je dus partir précipitamment, et que de leur côté ils s'éteignirent sur place, et lorsque je reviens, il n'en restait que cendres et poussières soufflées par la psychiatrie nouvelle, "comportementaliste" que l'on connaît à présent au lieu de l'"institutionnelle". C'est dans ce mouvement que le dernier psychiatre-psychanalyste du département venait de se suicider. Sous le choc on cherchait à le remplacer pour terminer l'histoire moins abruptement. Je trouvais un bel appartement pour ouvrir mon cabinet. Une petite patientèle y vint rapidement, et rien de particulier ne se passa durant les premières années.

 

Retour-citadelle-et-reprise – le PLAN

 

 

   Je me découvrais seul psychiatre dans le grand village à exercer intégralement en libéral. La citadelle est surplombée d'une gigantesque statue métallique de la vierge chrétienne portant son fils divin. On peut monter dans cette statue creuse jusqu'en sa tête, comme dans celle de La Liberté, plus grande à New York ; mais elle, perchée au sommet d'un pic, est forgée de métal fondu de canons d'une guerre de 1855. En vis à vis, c'est à dire en bas dans la vallée, le long de la rivière la plus grande ressource économique de la région porte comme elle, le nom de Marie, la sainte mère vierge. Il s'agit de l'asile des maladies mentales. Tous mes confrères y avaient comme on dit "leurs lits", voire leur service. Cependant je les ai vu graduellement remplacés par des praticiens étrangers au turn-over plus rapide. Ce n'était plus les malades que l'on mettait au tourniquet, mais le monde autour qui circulait ; à l'Age de l'Écran on réinstallait les électrochocs ; on aménageait les sections spéciales pour malades difficiles, les caméras fleurissaient jusque dans les chambres ; au lieu des drogues shamaniques interdites, des "médicaments" feutraient l'atmosphère. Aux réunions d'équipe, on préférait la désunion systématique – c'est encore un racontar que cette fois-ci des collègues, des ressources humaines, me rapportèrent.

   Graduellement je réanimais dans mon cabinet ma Psychanalyse Plurielle d'une autre époque. Cela faisait maintenant quinze ans qu'elle s'était exercée et portait une dénomination nouvelle. En l'ayant présentée dans les grands buildings américains, il en était ressorti que cette psychanalyse analysait une substance, un milieu, qui jouait un rôle aussi bien que son industrie, son action voire son acte cérémoniel. À côté donc de son protocole, analyse, sa substance était dénommable « plurielle ». J'avais d'ailleurs déposé en 1985 à l'INPI l'expression 'pluriel' un peu avant que le politicien L.Jospin ne s'en serve – mais cela est une histoire plus ancienne [05]... En s’en tenant à sa réactivation en 2001 je l’aurais décrite ainsi : la Psychanalyse dite "plurielle" fait un même corps avec son objet PLuriel, qualifiable à son envers et dit "analytique". Si j'explore cette nuance entre l'acte et la chose, je suis vite ennuyeux. Pour garder la nuance on se contente bien de sigles imagés ; ainsi l'acronyme usant des premières lettres, sonnait en anglais aussi bien qu'en français : « plural analysis » faisait PLAN, « PLuriel ANalytique ».. Un PLAN est la substance, la chair de la masse numérisée, d'un corps social infiltré, envahi par un réseau informatique reliant chacun de ses individus. Le protocole mis au point en 85 pour analyser un corps dans cet état numérisé, est donc la même chose que cet état. Comme c'est curieux ! Comme si ce que l'on fait était la même chose que ce qu'on appelle un fait ! Pour dire la vérité, cet espèce de collapsus porte un nom dans le psychisme ; il s'agit d'un processus primaire qui présente constamment un effet d'élation, une sorte d'euphorie, comme un lapsus, une schizophrénie dans schisme. De cette manière la psychanalyse vivait avec le numérique et, hors de l'hôpital comportementaliste, quelques résidents et soignants, sont venus retrouver l'ambiance d'une psychiatrie institutionnelle, dans ce cabinet reprenant connaissance, de la Fonction Psychanalytique qui instituait son PLAN.

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[05] http://www.lasainteethique.org/plandevie/2008/htm/20080712090200_orig-pluriel.htm